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Andrew Goodwin: Dancing in the distraction factory. Music television and popular culture

Reseña de Giancarlo Siciliano

Routledge, Londres, 1993, 237 p., bibl., index.


Depuis les années 8O, la pratique vidéographique comme dispositif co-extensif à la musique populaire définit des rapports nouveaux mais souvent difficiles à formaliser entre le regard/écoute du son/image en coprésence. Face à lˇexigence renouvelée d'éclairer la structure du vidéo-clip comme site d'investissement politico-affectif, ce livre de Andrew Goodwin réduit de manière significative l'écart traditionnellement imposé entre les deux champs d'activité théorique concernés par l'analyse de l'image et du son. De ce point de vue, Dancing in the distraction factory tente de redresser certains déséquilibres jusqu'ici accumulés et représente un progrès considérable dans le vaste champ d'études de la culture dite populaire. Car les modèles par lesquels on a tenté d'analyser la Musique TéléVisuelle, issus de la conjoncture des théories du cinéma et de la psychanalyse, n'ont fait que réduire la musique à un dispositif produisant son propre manque visuel - thèse vers laquelle semblent converger certaines lignes analytiques poursuivies, entre autres, par Ann Kaplan dans son ouvrage Rocking around the clock. Music television, postmodernism and consumer culture.

Ainsi, dans un chapitre qui cherche à esquisser une «musicologie de l'image», l'auteur expose et problématise le préjugé iconocentrique de telles perspectives: «I will suggest that it is useful to [...] use musicology to illuminate the visual», écrit-il à la page 50. Ecouter et composer c'est déjà visualiser, la perception de la musique étant toujours, d'après l'auteur, synésthésique. Sans doute, la tâche dont il se charge ne manque pas d'ambition: en s'appuyant sur les recherches de Simon Frith, Goodwin rappelle la tendance, aujourd'hui de plus en plus prévalente et insidieuse, à théoriser sur la vidéo pop beaucoup plus que sur la musique pop. On pourrait dire, en paraphrasant Françoise Escal, que nous assistons à une véritable inflation vidéoparatextuelle - phénomène auquel Andrew Goodwin réussit à nous sensibiliser. Comme il le dit à la page 57, «the analysis of the music itself remains so undertheorized. There is, for instance, no way of talking about timbre in traditional Western musicological terms that even begins to be adequate to its role in establishing musical meaning in pop». Ainsi en appelle-t-il à une conceptualisation de la musique dans son rapport à l'iconographie pop en général. A ce propos, il souligne l'importance des éléments visuels afférents à la chanson pop - images photographiques, desseins et disposition typographique à l'intérieur de la pochette de disque, par exemple - qui concourent au travail en différance permanente de production de sens. A l'appui de la célèbre tripartition du sémioticien C. S. Peirce - l'icône, l'indexe et le symbole - il cherche à analyser des relations audiovisuelles en évitant de les réduire à un formalisme ou à un esthétisme aveugle aux multiples variables contextuelles. Toujours est-il que, malgré la critique apportée à l'image fetishism caractéristique des interprétations de la MTV, le discours articulé autour de la matière musicale «elle-même» demeure en quête d'une stratégie théorique à venir, susceptible de croiser, comme il l'indique à la page 6, la perspective sémiologique de Jean-Jacques Nattiez.

Un autre fil conducteur de ce livre est la critique du paradigme postmoderne et ses failles interprétatives à l'égard de l'objet MTV. Mais cette critique semble reposer presque exclusivement sur un postmodernisme limité au recyclage des notions connexes de pastiche, ironie, second degré et intertextualité qui font la monnaie courante du postmodernisme comme nihilisme de simulations baudrillardiennes et de blank parodies jamesoniennes. Raison pour laquelle certaines références françaises, lorsqu'elles ne sont pas exclues, se trouvent sujettes à des faux rapprochements: en leur attribuant le mot d'ordre «We have to stop making sense», Goodwin n'hésite pas à regrouper indifféremment sous la même bannière postmoderne deux auteurs aussi divergents que Baudrillard et Foucault. Il est licite de se demander dans quel texte de Foucault est affichée une telle abdication du sens.

Ailleurs dans le livre, Goodwin s'interroge sur la restructuration du vidéo-clip afin de cerner les traits qui constituent sa spécificité et sa différence à l'égard de ses antécédents pré-MTV. Il conteste, par exemple, l'usage du mot deconstruction, sans examiner ni en quoi il serait inadéquat ni en quoi il pourrait, en revanche, constituer une alternative théorique viable et d'autant plus nécessaire étant donné que le paradigme postmoderne, tel qu'il l'appréhende, lui semble si peu satisfaisant. Mais sur ce point, il n'y a pas d'ultérieure amplification.

Par ailleurs, son attention aux éléments narratologiques de la vidéo et des vedettes est très éclairante comme le sont également ses rappels, inspirés par le discours sur une politique post-coloniale tenu par Edward Saïd, des articulations de sens politiquement déterminés. Il est essentiel, estime l'auteur, que la «cultural analysis consider not just the more esoteric questions of narrative form [...] but also some of the more immediate issues regarding political power. One way to do so would be to consider, for instance, ways in which music television has explicitly tackled political questions: [...] David Bowie's LET'S DANCE, Midnight Oil's BEDS ARE BURNING and BLUE SKY MINE, Michelle Shocked's ON THE GREENER SIDE, Metallica's ONE, or Public Enemy's FIGHT THE POWER» (pp. 175-176).

Si certains obstacles dans l'analyse de MTV restent encore à surmonter - le dialogue avec la musicologie historique n'allant pas de soi - au moins ce livre les aura exposés de façon claire ouvrant ainsi des pistes de recherche très importantes pour les musicologies alternatives en émergence. Et cela en dépit du mot d'ordre, que l'auteur cite en ouverture de ce livre, prononcé par Elvis Costello: «Writing about music is like dancing about architecture. It's a really stupid thing to do».


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